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Le nouveau monde est Oversize.

 

La première manche de l’UTWT nous invite dans une mégapole où la démesure est la norme, Hong Kong.

Nou mét la Réunion en lér avec trois coureurs. Freddy Thévenin, Fabrice Armand et moi

Hong Kong, l’exubérante, la géante s’ouvre à nos yeux ébahis. Freddy qui n’a jamais quitté les Mascareignes observe en silence. Ici les buildings fleurissent en bouquet, les bouquets se dressent à perte de vue, partout où le sol est plat. Lorsque tombe la nuit la fourmilière géante s’anime au ground 0 et les flux humains glissent dans les lumières scintillantes du marketing asiatique. Dans cette marée humaine la conscience semble être collective. Comme une touche de couleur parmi les silhouettes monochrome quelques uns expriment leur différence, leur identité. Ici un businessman anglo-saxon a choisi un collant rayé aux couleurs arc en ciel pour son footing, là une famille est entièrement vêtue par Disney.

Quel est ce monde où tu semble écrit ? Où va-t-il arrêter sa quête du toujours plus haut, plus beau ? Personne ne semble s’inquiéter de ce gigantisme, cette démesure où s’empile les scènes de vie dans un cadre stéréotypé qui ne voit, touche, sent, entends que des créations de l’homme.

Jeudi midi, le taxi nous dépose à Causeway Bay  devant l’Indian récréation  club où se tient la conférence de presse. Nous y retrouvons nos repères et des visages familiers, Antoine, Catherine et Michel Poletti, Christophe, Cyril, Vincent.

Eric Lahaie (HOKA-JULBO HK) me présente mes nouveaux coéquipiers, Dave Mackle et Scott Hawlker qui par bonheur s’expriment dans un anglais très clair.

Nous sommes tous hébergés dans un centre sportif de Sai Kung proche du départ et goutons aux sentiers dans un footing international composé d’un australien, deux américain, un néo zélandais et de 3 réunionnais. L’ambiance est extraordinairement conviviale et décontractée sur ce petit sentier de crête qui voit le soleil se coucher sur la baie de HK. Scott s’amuse d’un panneau qui indique de prendre garde aux pythons !

Les repas se prennent à la cantine à la saveur des colonies de vacances de mon enfance. Avec Fabrice et Freddy nous partageons un petit appart avec Scotty et son épouse. Les soirées seront consacrées aux

récits d’aventure et au perfectionnement

de la langue de Shakespeare.  

Mon assistant s’appelle Fai, il est missionné

par Hoka HK pour nous guider dans nos

déplacements et depuis jeudi nous avons

pris le temps de faire connaissance, c’est

un garçon d’une gentillesse palpable et

d’une efficacité redoutable.

Nous avons étudié le parcours et il a bien

compris ce dont nous avions besoin.

Samedi 7 h, parc de  Po Leung Kuk Pak,

notre taxi s’immobilise et déjà la foule

est conséquente.

Les coureurs sont rassemblés en petits groupes, qui face à face montre leur poing en poussant des cris pour démontrer leur motivation, immortalisant l’instant du départ dans des clichés figés dans des mimiques étudiées. Certains sont sur-équipés dans des choix matériel parfois surprenants.

Fai nous dirige et s’assure que nous avons déposé nos sacs, positionner notre dossard et nous indique comment se rendre dans le sas réservé aux coureurs élites.

Une cacophonie internationale anime l’arche de départ et Janet qui porte à merveille un sourire permanent lance avec émotion le compte à rebours.

Nous arrivons à nous placer dès le départ ce qui nous permet de courir relâché jusqu’à l’entame d’un sentier étroit 800 m plus loin. C’est parti, il faut maintenant trouver le bon rythme. Après une montée sur des marches bétonnées une des multiples facettes de la baie de HK s’ouvre à nous avec sa forêt de gratte ciels baignés dans un halo opaque de pollution.

Le sentier est ludique et il n’est pas sans me rappeler

les sentiers littoraux varois. Vajin Amstrong (NZ) a pris

les commandes, il semble très à son aise et parle

sans arrêt, nous le talonnons avec Freddy qui se

retourne vers moi «on attaque », « on essaye »,

il part comme un boulet je reste à mon rythme

fermant un peu la porte, personne ne réagit.

Freddy prend quelques centaines de mètres mais

les cadors contrôlent l’écart et à la faveur d’un

passage face au vent, sur un barrage nous revenons

sur lui « laisse tomber Freddy, ils ne laisseront pas faire,

sois patient »

Les népalais s’amusent à accélérer brutalement  

dès la première montée nous narguant de leur

supériorité athlétique, qui du reste est incontestable.

Le rythme s’accélère mes cuisses me brulent, ce n’est

pas raisonnable, je décroche.

Le sentier de béton se faufile dans les courbes

dessinées par un labyrinthe de reliefs qui disparaissent

 dans une mer calme. Les plages de sable blanc

cassent régulièrement notre rythme et subliment

la singularité de ce paysage si particulier.  Un groupe de dix coureurs se détachent  et s’échappe. L’ombrage d’un mélange arboré dont je reconnais quelques essences est très agréable.

Catherine Poletti m’encourage à chaque ravitaillement, freddy est 4 minutes devant moi et je me retrouve seul, pour plusieurs heures. Ma foulée se déroule sur le ruban de béton et je me délecte de cette fluidité, de ce rythme composé sur la partition du HK 100.  « It’s Time to fly »

Dans ces longs sentiers littoraux bétonnés, l’efficacité de mes Hoka est extraordinaire,  dans un ellipse  fluide, l’énergie du béton s’enroule dans ma foulée, entraîné dans un cyclone vertical imaginaire qui prend de la force,  quel bonheur ! Les sentiers sont tellement aménagés qu’ils sont fréquentés par des promeneurs qui occupent toute la largeur du sentier, ignorant la difficulté qu’ils rajoutent à notre progression.

Dans la première vraie ascension, je rattrape un jeune népalais en difficulté et voit la silhouette de Freddy , j’estime l’écart à 45 secondes.

Dès le sommet je suis saisi par la magie d’une vue panoramique sur la mégapole et ces multiples monts, ses lacs et la mer qui se parent de ces plus belles couleurs. Le sentier en crête est un terrain d’envol de parapente et de nombreux Honk Hongais viennent s’y divertir. Une douleur costale me pourrit la descente et limite fortement ma vitesse, à chaque saut de marche, un pincement vient perturber ma respiration.  J’essaye de me détendre mais rien y fait.

 

 

 

 

CP5, 50 kms en 5 h et enfin la montagne, celle qui nous domine, celle qui révèle notre instinct de chasseur, qui abrite les fruits de notre quête. Nous voilà enfin face à une pente pétrie des racines et de terre, de galets. Des rapaces tournoient sur nos têtes, le bonheur m’enivre et je pousse des râles d’adrénaline, juste ce qu’il faut d’aise pour revenir sur Freddy en proie aux crampes. Je lui offre un stopcramp salvateur. Nous courons ensemble, je n’ai plus d’eau, rien à manger, mauvais calcul. La descente est difficile et ma cote me fait souffrir. Freddy s’envole. Au CP6,  Je prends un temps pour m’alimenter et boire, je repars réhydrateé et  tiens un bon 12,2 km/h sur cette descente en béton qui n’en finit pas. L’œil vif, sous un large chapeau rond, une femme âgée exécute les postures de gymnastique chinoise avec une harmonie et une symétrie parfaite, sa maitrise diffuse un parfum de sérénité que j’inspire longuement, calmement.

Enfin un bénévole qui agite de longs bâtons rouge et bleu m’indique un sentier chaotique comme on les aime, que j’entame en trottinant, encore un peu, encore, encore…Dans cette fluidité parfaite je repars à la conquête d’un rythme satisfaisant. Une bouteille est là, posée sur un  édifice religieux en béton, un macaque  surgit, s’en empare avec une dextérité surprenante et se refugie dans les branches.

Une colonie de macaques  dont la hiérarchie est criante et verticale habite la forêt. Ils me regardent comme s’ils visitaient un zoo !

Quelle étrange situation, je suis surpris seul parmi ces centaines de macaques assis sur la route, me délectant de leur comportement sociétal primitif et expressif.

Je cours, cours et je reviens encore une fois sur Freddy, notre progression est limitée par les crampes et on se soutient pour garder un bon rythme.

Je positive, vantant notre mérite d’être à ce niveau sur l’UTWT, et lui rappelle que ce n’est pas fini, il reste 13 kilomètres et une grosse partie du dénivelé. Cyril revient sur nous, nous échangeons quelques phrases et il repart à l’assaut de la dernière difficulté.  Freddy me fait remarquer que son mollet reste contracté. Rien ne sert de forcer maintenant le classement est fait. Cyril est bien plus frais que nous et derrière une seule frontale brille au loin dans ce paysage pelé.

La descente est une merveille, non pas par sa technicité quasi nulle mais par son panorama sur les lumières de HK, Une féerie lactée scintillant vers le ciel dans un horizon infini. Que nous sommes petits, éphémère et insignifiant. Partout autour de nous s’étale une immensité de constructions démesurées. Combien de scène de vie dans cette mégapole, combien de bonheurs partagés dans ces immenses buildings serrés les uns contre les autres. Je n’en ai aucune idée, aucun repère.

Surpris d’un tel étalage je reste fasciné par l’immensité de cette fourmilière où tout parait si simple, le son d’un micro qui clame l’arrivée de Cyril annonce notre proche délivrance.

Quelques flashs, « congratulations » « good job », Les bons soins de Fai et le rythme cardiaque s’apaise.  Couverts nous attendons Fabrice autour d’un bol de soupe chaud, Antoine et Christophe sont arrivés et Fabrice franchi la ligne exténué.

Quelle fantastique journée, quelle fantastique découverte, quel sport fantastique qui nous permet en quelques jours de découvrir un pays, son peuple, sa culture, ses plus beaux paysages et de partager d’intenses émotions avec des gens dont ne soupçonnions pas l’existence quelques jours auparavant.

Bienvenu dans l’univers de l’Ultra Trail World Tour. 

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